L'histoire de Jeff Hakman

Ce livre n'est pas une œuvre littéraire mais elle permet de découvrir les débuts du surf professionnel, de ses balbutiements sur le North Shore jusqu'à sa concrétisation mercantile à travers la mise en bourse de l'emblématique marque de surfwear, Quicksilver.

Biographie de Jeff Hakman, c'est également l'histoire d'un homme qui accepte de dévoiler les facettes les plus sombres de son histoire pour faire la paix avec son passé mais aussi avec les individus qui ont croisé sa route.

Ce récit laisse à voir comment la révolution des mœurs des années 70 a touché la communauté de surfeurs aux États-Unis et Hawaï. Si le biographe de Jeff met l'accent sur la découverte des drogues, qui est une des caractéristiques de cette période, quid de son côté idéaliste et contestataire qui semble avoir glissé sur les épaules du jeune Jeff telle une eau cristalline, tout concentré qu'il était à parfaire son surf.

Où l'on découvre ainsi qu'en plein Apartheid, tandis que la moitié du monde boycotte l'Afrique du Sud, le jeune Jeff accepte de se rendre dans ce pays pour y participer à une compétition. Là, son compatriote, natif hawaïen, se voit interdit d'hôtel parce qu'il est noir mais cela n'affecte en rien la bonne humeur de Jeff que les aléas du monde ne doivent en rien distraire de la recherche du bonheur.

Chaque surfeur sait bien que l'immersion dans l'océan le libère du monde et de ses aléas, mais les terriens mènent la danse et le surfeur revenu sur la terre ferme doit alors jouer les équilibristes entre ses aspirations hédonistes et les vicissitudes de la vie terrestre.

Ici, on a une lecture très Wasp de la vie, qui se résumerait à la réussite sociale et professionnelle : le succès en compétition et dans les affaires sont le fil rouge du récit, mis en danger par Héroïne, l’alter-ego diabolique de Jeff.

L'American Way Off Life version Quicksilver ? Indéniablement, une page de l'histoire du surf. Du moins, une de ses facettes, le témoignage d'un pionnier du surf.

Les lectrices, et les Tahitiennes en particulier, vont sauter en l'air à la lecture du passage sur le séjour tahitien de Hakman, une description tout à fait en phase avec la communication des grandes marques de surf des années 90 : la femme, un objet de plaisir qui prolonge celui du surf. 

Anecdotique, si vous avez lu L'insoutenable légèreté de l'être, vous rirez bien à la lecture de cette phrase, par laquelle Jef Kakman entend décrire sa jeunesse heureuse sur les plages californiennes :

« Quand je me souviens de cette année-là, je pense au titre du livre de Kundera, L'incroyable légèreté de l'être, car c'est ainsi que j'ai vécu cette période ».

J'espère que depuis la première sortie de sa biographie en 1997, une âme généreuse aura expliqué à Mr Hakman ou à son éditeur que ce livre de Kundera, dont il avait mal lu le titre, et probablement pas le contenu, parle plutôt de la difficulté de vivre, en particulier dans la Tchécoslovaquie sous le joug soviétique, en 1968.

Et qu'il eut été plus heureux de faire le parallèle avec la vie de Hakman dans les chapitres liés à sa dépendance aux drogues, qui illustrent bien la pesanteur des choix que l'on est amenés à faire au cours d'une vie, plutôt qu'à celui décrivant l'émerveillement du jeune Hakman immergé dans la culture surf.

Mr Sunset, L'histoire de Jeff Hakman, La vie houleuse et rayonnante d'un surfer de légende, Phil Jarrat, Editions Vent de Terre.